La maladie corticale du hêtre

11 janvier 2021 by forestestrie Category: Érables et feuillusBookmark the permalink

LA MALADIE CORTICALE DU HÊTRE

Le hêtre est un arbre intimement lié à nos érablières. Son écorce lisse se démarque aisément de ses voisins feuillus. Par contre, dans nos forêts, on y voit de plus en plus les signes de la maladie corticale du hêtre. On a l’impression que cette maladie est de plus en plus répandue. Ces hêtres attirent notre regard et on a parfois la forte impression qu’ils sont tous infestés.

Mécanisme d’infection

La maladie corticale du hêtre (MCH) résulte d’une interaction entre un insecte, la cochenille du hêtre et de deux champignons pathogènes.

La maladie survient lorsque les spores des champignons s’introduisent par des blessures faites à l’écorce, entre autres, celles causées par la cochenille du hêtre. Ces insectes suceurs créent des milliers de micro blessures dans l’écorce afin de se nourrir. Une substance produite par la cochenille empêcherait la cicatrisation des blessures. Les spores des champignons pathogènes peuvent y germer, et ce, sans réaction immédiate de l’arbre.

Les fructifications du champignon, les périthèces, se développent sur l’écorce trois à cinq ans après l’invasion de la cochenille. Elles apparaissent sous forme de petites boules rouge-orangé. Elles atteignent leur maturité vers la fin de l’été. Ainsi, ils produiront l’année suivante des ascospores à l’origine de nouvelles infections.

Présence de la cochenille du hêtre Présence de chancres

Historique

La cochenille du hêtre a été introduite près du port de Halifax en 1890 par l’importation de plants de hêtre d’Europe.

Ce n’est qu’en 1911 que les premiers symptômes de la maladie ont été détectés dans les forêts naturelles. Par la suite, l’insecte et la maladie se sont propagés vers le sud-ouest et le nord-ouest du continent pour s’étendre dans les provinces canadiennes et les états américains du nord-ouest jusqu’au Michigan.

Répartition géographique de la maladie au Québec

Tiré de – État de la maladie corticale du hêtre 2019, MFFP

Vert=invasion / Jaune=destruction / Rouge=dévastation

État de la situation en Estrie en 2019

La cochenille du hêtre était très présente.

Les chancres se trouvaient sur 93 % des arbres évalués. De ces arbres, 42 % portaient sur le tronc de 10 à 50 % de signes ou de symptômes et 38% montraient ces signes et symptômes sur plus de 50 % du tronc.

Les arbres dépérissants représentaient 52 % des tiges évaluées, et les arbres morts, 7 % des hêtres.

Les arbres classés peu dépérissants caractérisaient 41 % de toutes les tiges évaluées ; par contre, 49 % de ces tiges comportaient une proportion de chancres et de périthèces sur le tronc allant de modérée à élevée.

Le stade de développement de la maladie en Estrie s’assimilait à la zone de destruction avec une placette de dévastation à Lapatrie.

Dégradation du bois

Le processus de dégradation du bois de hêtre est assez rapide. Le bois de hêtre est très sensible à la carie de l’aubier et du cœur, quelle que soit l’origine de l’infection. La vitesse de dégradation du bois chez les arbres atteint de la MCH varie selon leur diamètre : les plus gros sont plus résistants que ceux de 30 cm ou moins de diamètre qui, eux, cassent les premiers, souvent avant même de mourir sur pied.

Source – Agrireseau

Impacts sur la faune

La MCH cause aussi de nombreux impacts sur la faune. La dégradation des hêtres touche, entre autres, l’habitat et la disponibilité de nourriture de plusieurs espèces animales. Par exemple, les populations de grands pics profitent avantageusement des effets de la MCH puisque les hêtres malades constituent un refuge de choix pour la nidification et une source de nourriture abondante d’insectes qui y prolifèrent.

Les effets sont par contre différents chez les espèces se nourrissant des faînes de hêtre, la biomasse de faînes de hêtre produite atteint dans certaines strates forestières 103 kg/ha. Ces semences sont très recherchées par de nombreux rongeurs, certaines espèces d’oiseaux (dont le dindon sauvage et la gélinotte huppée), le cerf de Virginie et l’ours noir. Le hêtre est à ce point recherché par les ours noirs que ces derniers grimpent aux arbres pour consommer les faînes avant leur chute au sol. La mortalité des hêtres de gros diamètre cumulée à la perte de vigueur des arbres affectés par la MCH entraînent une diminution de la production de faînes. Il y aurait une relation de cause à effet entre la production de faînes et les populations d’ours noirs. Les faînes sont une source importante de nourriture surtout pendant la période précédant l’hibernation. Le succès de reproduction des ours noirs dépendrait du volume de faînes disponibles. Les chercheurs ont observé que le taux de femelles fécondes n’était que de 22 % après une mauvaise année semencière, comparativement à 80 % après une forte production de faînes l’automne précédent.

Recommandations d’aménagement

Il n’existe pas de solution efficace pour réduire les sources d’agents pathogènes ni de moyens directs pour maîtriser les populations de cochenilles. Cependant, certaines interventions contribuent à réduire la vulnérabilité des peuplements, tout en limitant l’interférence de certaines espèces comme le hêtre, l’érable de Pennsylvanie et la viorne sur la régénération en essences feuillues recherchées. Le hêtre demeure exploitable dans la mesure où la tige renferme du bois d’œuvre ou du bois destiné aux pâtes et papiers.

Ces recommandations sont formulées en fonction du degré de sévérité.