AMÉNAGER LA FORÊT PIONNIÈRE
Depuis 1940, la couverture forestière de l’Estrie est passée de 45-50% de la superficie du territoire à 77% aujourd’hui. Ce phénomène provient de l’abandon de beaucoup de fermes installées sur des terres moins propices à l’agriculture et de leur conversion naturelle, pour la majorité, vers des forêts dites pionnières ou de première venue.
Ces forêts pionnières sont souvent caractérisées (mais non exclusivement) par la présence de peuplier, de bouleau gris, de sapin et d’érable rouge. Ces essences ont la capacité de se régénérer sur des sites agricoles abandonnés ou des friches. Ils forment souvent la première cohorte forestière qui établira les conditions nécessaires pour la mise en place d’un sous-étage arbustif et herbacé représentatif d’un site forestier.
La litière évoluera tranquillement vers une composition caractéristique de sites forestiers.
Quelques indices facilement observables en forêt ne laissent pas de doute quant à une utilisation agricole antérieure du site. Les amoncellements de roches en forêt ou sur les lignes de propriété sont un des vestiges les plus durables.
La présence de pommiers dans des clairières en pleine forêt et parfois sous le couvert forestier est un autre signe quant à l’origine agricole du site.
Les forêts pionnières ont un rôle de début de transition car les essences qui les caractérisent ne se régénèrent pas sous un couvert forestier fermé. Lorsqu’ils atteignent leur maturité, d’autres essences mieux adaptées aux conditions de sol et de lumière s’installent et forment la forêt de transition.
Cette forêt peut se caractériser par la présence d’une forêt feuillue incluant l’érable à sucre, d’une forêt mixte ou résineuse.
L’aménagement durable de la forêt pionnière
L’aménagement d’une forêt pionnière a pour objectif d’accélérer la transition vers la forêt comportant des essences longévives. La récolte s’effectue au niveau des peupliers, du bouleau gris (si toujours présent), du sapin ou de l’érable rouge de faible qualité. Ces essences dans une forêt d’une cinquantaine d’années approchent ou ont atteint leur maturité biologique.
L’ouverture du couvert profitera à la régénération établie ou de son installation si ce n’est déjà fait. On visera à favoriser les espèces qui vivent longtemps, comme l’érable à sucre, le bouleau jaune, l’épinette, la pruche, etc.
Les arbres en santé et de plus grande valeur présents dans le peuplement profiteront de l’ouverture créée par l’éclaircie du peuplement.
Dans une optique écologique, on pourrait conserver quelques gros arbres vivants et même morts (si possible), des arbres avec cavités et quelques arbres fruitiers.
Ceci permettra de soutenir la diversité biologique de la forêt.
La récolte des peupliers et des bouleaux gris ne génère pas des revenus très élevés par contre leur récolte est nécessaire pour assurer la transition et la mise en valeur du peuplement.
La valeur accrue de ces travaux réside dans le dégagement des arbres et des essences avec le potentiel d’accroître leur valeur intrinsèque à l’avenir.
L’aménagement accélère le processus évolutif normal de la forêt pionnière et augmente la résilience et la vigueur du peuplement résiduel.
Le dégagement en temps opportun est le gage d’une transition réussie.
Ken Dubé ing.f.
Texte révisé par Lise Beauséjour ing.f. et Normand Bérubé ing.f.