HISTORIQUE DE L’UTILISATION DE SOLS ET INCIDENCE SUR LES FORÊTS
La colonisation des Cantons de l’est a été accélérée par le développement des activités agricoles. La commercialisation et l’exploitation de la ressource forestière a suivi cette première incursion dans les forêts estriennes. Les deux activités se sont développées parallèlement. Ce cheminement est à l’inverse de ce qui s’est produit, par exemple en Ontario, où l’exploitation et la commercialisation forestière a été suivi par la colonisation de ces secteurs.
Les forêts primaires
Une description concise des forêts de l’époque est donnée par Booth; c’est une région bien recouverte de forêts. L’érable à sucre, le bouleau jaune, l’épinette blanche, l’épinette rouge, le sapin baumier, le pin blanc, et la pruche sont les espèces associées avec les sites riches et bien drainés. Sur les sites plus exposés et les sites de sol mince les essences prédominantes sont l’épinette blanche, le sapin baumier et le bouleau blanc. Dans les dépressions humides les résineux présents sont le cèdre, le mélèze, l’épinette noire et au niveau du feuillu on retrouve le frêne noir.
Les seuls secteurs sans couverture forestière sont les étangs à castors et les petites surfaces herbacées associées aux basses terres près des rivières.
Le peuplier colonisait les secteurs brûlés ou les sites de chablis.
Les changements à la composition et à la dimension des arbres est décrite par les auteurs du 19e siècle. À preuve la référence aux pins blancs de 6 pieds de diamètre. Au niveau des feuillus, on ne retrouve plus aujourd’hui des peuplements commerciaux de bouleau blanc de dimension sciage. On remarque la quasi disparition du chêne rouge, du noyer cendré et du tilleul. Le noyer était souvent le premier feuillu abattu car les colons estimaient qu’il s’établissait sur les sols les plus propices à l’agriculture.
Parc national Marsh-Billings-Rockefeller, Woodstock, Vermont
La colonisation des terres entièrement forestières impliquait la coupe et le brulage des arbres abattus. Le réseau routier déficient ne permettait pas la commercialisation de ces bois de grande qualité et de grande valeur. Il s’est gaspillé beaucoup de cette ressource forestière primaire. Les forêts feuillues étaient ciblées en premier lieu pour la mise en agriculture ou en pâturage car le bois récolté pouvait fournir de la potasse contrairement aux résineux qui devaient être séchés avant d’être brulés.
Le rythme de coupe de forêts dans les 50 premières années du 19e siècle a été plus de 216,000 acres sur un total de 1,470,700, soit 15% de la superficie totale des cantons concernés. Certains écrits de cette époque évoquent la perte par brulage de jusqu’à 50% des bois abattus.
La ferme estrienne typique
L’activité agricole qui s’est développée était basée sur la ferme familiale produisant la majorité de ses biens pour satisfaire ses besoins. L’élevage était diversifié, bœuf ou lait avec moutons qui comblaient les besoins de viande et de laine servant à la confection d’étoffes faits localement.
Ascot Corner, photo Ken Dubé
Ces besoins ont conduit à la composition typique de cette époque d’une stratification 50%-50% entre les superficies agricoles et forestières. Les superficies agricoles comprenaient 22% en pacage et 28% en superficie cultivable.
Autant la forêt représentait un obstacle aux colons, autant ses produits servaient à confectionner leurs commodités essentielles.
Des exemples ;
- Hêtre et érable, bois de chauffage
- Pin blanc et dans une moindre mesure l’épinette, bois de charpente
- Pin rouge, bois de structure
- Sapin, sceaux, douves, tonneaux
- Pruche, le bois était peu utilisé, son écorce, riche en tanin, servait aux tanneries
- Orme, produisait beaucoup de cendres donc était fortement utilisé pour la potasse
- Bouleau et frêne, outils de menuisier, petits outils agricoles,
- Pin, noyer, cerisier, érable, utilisation dans le marché du meuble commercial et domestique
La colonisation qui entraînait la déforestation pour un usage agricole s’est intensifiée, selon les cantons, jusqu’au premières décennies du 20e siècle. C’est à cette époque que les fermes localisées sur les terres moins productives ont graduellement été abandonnées et la forêt a repris ses droits. La superficie forestière actuelle couvre 78% du territoire estrien, en hausse de 28% depuis la fin des années 1940-50.
Ken Dubé ing.f.
À lire en complément – La déforestation estrienne inversée
Références,
La laine de nos moutons, Jean-Pierre Kasterman, éditions G.G.C., 2013
Changing forest utilization patterns in the eastern townships of Quebec, 1800 to 1930,
John Derek Booth, doctoral thesis McGill university, 1971