Un historique abrégé de l’industrie forestière en Estrie

UN HISTORIQUE ABRÉGÉ DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE EN ESTRIE

 

Remontons un peu dans l’histoire de l’industrie forestière en Estrie. En 1840, le bois demeure sans conteste la principale richesse dans la région. Seulement le tiers des terres agricoles ont été défrichées et des cantons entiers n’ont pas vu la hache des pionniers.

À partir de 1854, l’industrie du bois prend son envol à cause des effets combinés de l’ouverture des chemins de fer et du Traité de réciprocité avec les États-Unis.

L’exploitation forestière dans les Cantons de l’est est caractérisée dès le XIXe siècle par la place importante qu’occupe la forêt privée. Les concessions démesurées des terres de la couronne ont conduit à la dilapidation des forêts du domaine public.

La partie la plus importante des réserves ligneuses se retrouvent en forêt privée. Ces boisés appartiennent à des agriculteurs qui les utilisent pour leurs besoins de chauffage, de bois, des clôtures et de revenus d’appoint. Cet usage domestique alimente un nombre élevé de scieries artisanales. Les jobbers sont aussi bien présents.

Une telle dispersion de la propriété des ressources forestières entraîne une certaine anarchie dans l’organisation de l’offre des produits sur le marché et dans la gestion de la ressource elle-même. À tel point qu’au début du XXe siècle, la déforestation commence à préoccuper les milieux d’affaires en autre pour ses effets à court terme sur l’approvisionnement en bois des scieries et des papetières. Les jobbers ne transigent pas toujours avec les usines locales, selon les aléas du marché, ils peuvent vendre leur bois aux américains ou en dehors de la région.

L’industrie du sciage

En 1851, l’industrie du sciage est bien modeste car elle ne représente que 4% de la production du Bas-Canada. Elle connaît une croissance régulière durant la deuxième partie du XIXe.

Lorsqu’une scierie dépasse une production annuelle de 100 000 pieds, c’est un indice qu’elle est entrée dans le circuit commercial. Mais plusieurs continuent à présenter une structure artisanale avec une production saisonnière, quelques employés et une capitalisation inférieure à 1 000 $.

Les scieries commerciales s’installent près des chemins de fer, des débouchés de rivières ou de lacs sur lesquels les bassins versants font l’objet de coupes. Au début, on assite à une surexploitation de certaines essences entraînant une baisse des activités de sciage, surtout dans la portion ouest des Cantons-de-l’Est. Un déplacement des activités vers les réserves forestières plus à l’est s’effectue.

Les richesses d’Orford

Le massif d’Orford approvisionne plusieurs scieries en fonction des rivières. La rivière aux cerises permet l’approvisionnement à Magog, Sherbrooke par la rivière Magog et Newport USA par le lac Memphrémagog. Le versant nord alimente les scieries à Kingsbury et Melbourne par le lac Brompton et la rivière aux Saumons.

Les allumettes et le bois ouvré

Une partie des bois sciés est utilisée pour la confection de châssis de portes et de fenêtres, de meubles, de tonneaux, de sceaux, de boîtes à beurre et de bardeaux. En 1913, une usine de brosses et de balais voit le jour à Lac-Mégantic qui divertira ses produits pour devenir Mégantic Manufacturing Company.

La production d’allumettes en Estrie occupe une place d’importance car elle produit 30 % de la production provinciale. La première fabrique canadienne a vu le jour à Magog en 1837. D’autres entreprises voient le jour à Sherbrooke, Danville et Coaticook. La crise économique de 1875 sonne le glas de cette industrie.

Les pâtes et papiers

Jusque vers 1850, la fabrication du papier est artisanale et est réalisée à l’aide de chiffons. En 1852, la première machine en ruban continu au Canada est installée à l’usine Brooks de Sherbrooke. La production en continu de 157 cm de largeur permet l’approvisionnement des journaux de la province. C’est à l’usine de Windsor, en 1866, aux confluents des rivières Stoke et Saint-François que l’on utilise pour la première fois le procédé de fabrication chimique de pâte de bois à la soude. En 1873, l’entreprise devient la Canada Paper, une compagnie par actions. En 1901, la construction de l’usine Saint-François est la plus vaste au Canada.

Machine de fabrication de papier, source British notes

En 1882, William Angus acquiert les chûtes de la rivière Saint-François dans le canton de Westbury pour y installer une usine de sciage et de pâte. C’est le début du village de East Angus.

En 1901, E.W. Tobin achète le site de l’ancienne scierie Clark à Bromptonville et y construit une usine de pâte mécanique. Le projet stimule le village de Bromton Falls. Le bois est acheminé à partir des réserves près des lacs Aylmer et St-François et est flotté sur la rivière Saint-François jusqu’à Brompton.

La drave du bois, source The Canadian Encyclopedia

À Kingsley Falls, un moulin à farine est transformé en usine pour fabriquer de la pâte et du papier. Elle passe au feu en 1878, est reconstruite et devient en 1894 la Dominion Paper Co.

L’industrie papetière est à l’origine de l’essor de plusieurs petites villes. Au début, la main-d’œuvre spécialisée est composée d’artisans écossais venus spécialement pour y travailler. Les canadiens français sont ensuite embauchés par les papetières, mais les écossais constituent pendant longtemps le noyau de techniciens spécialisés et même des directeurs d’usines.

La ressource forestière a toujours fait partie de la trame économique estrienne. De ressource primaire, la forêt représente aujourd’hui toujours un apport important. Sa visibilité nous paraît moindre car l’économie de la région est maintenant fortement diversifiée.

 

Ken Dubé ing.f.

Source:

Histoire des Cantons de l’est, Jean-Pierre Kasteman, Peter Southam, Diane Saint-Pierre, Les presses de l’université Laval, 1998

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