Bûcheron 4.0

BÛCHERON 4.0

 

Le métier de bûcheron qui a été la profession dominante pour la récolte des bois au 20e siècle, a vu sa pertinence décroître au 21e siècle. La récolte des bois autant en forêt publique que privée s’est mécanisée et le bûcheron a évolué vers le travailleur sylvicole. En forêt privée, le producteur forestier voit à l’aménagement de sa forêt par la réalisation des travaux sylvicoles appropriés. L’introduction de la machinerie spécialisée est devenu son allié pour optimiser la mise en valeur de son boisé.

Rappel historique

Au Québec, le bûcheron était-il un infréquentable?  Du moins, le métier n’avait pas la cote.  Historiquement, exerçant un métier en mal de valorisation, ostracisé par une bourgeoisie se pensant affinée de culture et de connaissances, à la merci de barons industriels opportunistes, scruté par des religieux cherchant repentances et sacrifices de leurs ouailles et objet d’un folklore forestier musical et littéraire le présentant comme « mâle » de petite vertu, le bûcheron fut un déclassé social et économique jusque dans les années 1960.

Vous en doutez!  Une virée des archives en matière de forêt et de foresterie de l’ONF et des Archives du Québec, et par extension de l’UQAC, complétée par les variantes fantasmagoriques de la chasse-galerie et des méfaits de Ti-Mé Plouffe (fils du père Gédéon) vous présentera un homme des bois dont la rusticité, les manières et les misères, et les audaces en chantier comme en civilisation l’éloignent des standards des parangons de la bienséance des officines  politiques et intellectuelles.

Archives nationales Québec

Valoriser par l’aménagement forestier

Dans les années 1970, des notions d’aménagement forestier adroitement amenées en ruralité par des ingénieurs et techniciens forestiers, bien convaincus que la durabilité des forêts s’appuyait d’abord sur un état de conscience sur la pérennité de la ressource, ont métamorphosé le « bûcheron » en « travailleur forestier » ou « travailleur sylvicole ».  En grandes forêts publiques, la main-d’œuvre devenant plus exigeantes, l’attraction des villes et la syndicalisation aidant, les entrepreneurs forestiers œuvrant pour une industrie toujours en appétit ont misé davantage sur le « confort » (alimentation, logement) qu’imposait dorénavant ce dur métier.  Le bûcheron devenait plus présentable.

Mais, soulignons au passage que plus de 100 ans de bûcheronnage à la dure ont tout de même occupé une main-d’œuvre rurale abondamment disponible ce qui a amené à maints égards une capitalisation agricole souhaitée en régions dites « ressources » ou « périphériques »… avec ses effets induits sur la syndicalisation dont nombre de variantes évoluent à l’enseigne de l’UPA.

Bûcher de 1.0 à 4.0

Semble-t-il, depuis une dizaine d’années, les vocations orientées « forêts » affichent des recrutements prometteurs.  Le bûcheron 1.0 qui jadis abattait des arbres selon son instinct et quelques considérations techniques aujourd’hui « récolte » des arbres dans des forêts dont la longévité productive et paysagère est au premier rang de nos ambitions collectives comme forestiers… du ministre des Forêts jusqu’à la forestière fraîchement diplômée d’une formation académique accréditée.  Le bûcheron 4.0 est né!

Précisons.  Prenons exemple sur les quatre révolutions industrielles ayant caractérisé les avancées technologiques depuis la première moitié du 19e siècle :

  • 1.0 : vapeur et charbon
  • 2.0 : électricité + pétrole + chimie
  • 3.0 : électronique-informatique + automatisation des processus industriels = robotisation
  • 4.0 : informatique + internet + intelligence artificielle + système global interconnecté = cybersystèmes

Ramenée au bûcheron, cette progression technologique se présente ainsi :

  • 1.0 : outils primitifs (haches, scies) + débardage et charroyage avec chevaux et bœufs
  • 2.0 : haches + sciottes et godendards + débardage avec chevaux (+ usage limité de tracteurs, voire de traction à vapeur)
  • 3.0 : scies mécaniques + débardeurs à câbles + camionnage
  • 4.0 : récolteuse multifonctionnelle informatisée + porteur avec grappin hydraulique; et pour « demain » : interconnexion cellulaire et satellitaire

Ce qui était jadis une « job de bras » exigeante en force musculaire et en énergie calorique devient une « job de tête » exigeante en connaissances et en habilités technos, en lecture de l’environnement immédiat et où la demande énergétique du cerveau, la journée terminée, a dépassé l’appel musculaire.

JP Gendron

On est rendu là! 

Si vos pratiques sylvicoles ou de bûcheronnage sont encore ancrées dans le passé et si la capitalisation dans vos avoirs forestiers n’est pas alignée sur la rentabilisation de la stricte récolte, alors l’aspect « loisir », qui s’ajoute parfois à la passion, constitue la base de l’attachement à votre boisé… biodiversifié.  Les équipements de jardinage forestier (couple petit tracteur et chargeur) si… vous êtes un retraité en forme, désireux d’apprendre, ingénieux et fiscalement à l’aise, allégeront la demande énergétique des travaux manuels.  Ou opterez-vous pour des travaux mécanisés sous contrat?  Mais, quelle que soit votre classe de 1.0 à 4.0, être ou se prendre pour un bûcheron est un métier dangereux, la forêt contenant son lot d’imprévisibilités.

Le métier de bûcheron mérite reconnaissance et noblesse.  Qu’on se le dise!  Avez-vous votre bûcheron de famille?

En savoir plus sur la foresterie 4.0 : FPInnovations

 

JP Gendron, prés.

AMFE

Nov. 2019

Lecture complémentaire:

Historique de l’aménagement forestier en Estrie