LES PRIX DU BOIS D’ŒUVRE EXPLOSENT,
LE PRIX DU BOIS ROND STAGNE
Ceux qui ont eu à acheter des matériaux de construction depuis mai 2020 en ont fait l’expérience, le prix des matériaux a augmenté considérablement et plusieurs composantes étaient en rupture de stock.
La situation ne s’est pas améliorée depuis. En effet, en date du 15 février 2021, l’indice PRIBEC a atteint un nouveau record historique. Il se situait à plus de 1 209 $/Mpmp (mille pieds mesure de planche) en dollars canadien alors qu’il était à 580 $/Mpmp l’an dernier à la même date. L’indice PRIBEC est l’indice d’un panier de produits moyen vendu par l’industrie du sciage sur les marchés nord-américains.
Alors que la moyenne des cinq dernières années se situait à 580 $/Mpmp et celle des dix dernières années était à 500 $/Mpmp, le prix en février 2021 représente une hausse de 208% et de 242% respectivement par rapport aux années antérieures.
Effet de pandémie
Cette situation exceptionnelle est principalement due au contexte de pandémie de la COVID-19 qui a fait exploser la demande des maisons hors des grands centres urbains, la construction de maisons unifamiliales ainsi que la rénovation au Canada et aux États-Unis.
Elle a créé une grande demande pour du bois d’œuvre et les besoins des consommateurs ont rapidement dépassé l’offre des industriels de la transformation du bois. Ils sont à pleine capacité de production et certains problèmes de main-d’œuvre limitent leur capacité d’augmenter la production des usines actuelles. Cette situation pourrait donc perdurer pendant plusieurs mois.
Le bois n’augmente pas de valeur pour le producteur
Pendant ce temps, le propriétaire forestier n’aura pas vu le prix au chemin de son sapin-épinette augmenter de façon significative. En 2005, avant la crise forestière de 2006, la moyenne payée par les usines qui achetaient en Estrie était de 388 $/Mpmp pour le bois de 12 pieds et de 256 $ la corde pour le bois de 8 pieds, prix payé au chemin du producteur.
Les prix vont ensuite s’effondrer après 2005 pour atteindre leur plus bas niveau en 2011 et 2012. Lors de cette période, le prix du 12 pieds de bois rond descendra jusqu’à 260 $/Mpmp et à 156 $ la corde pour le 8 pieds. Ça représentera une baisse de 33% pour le 12 pieds et de 39% pour le 8 pieds. Lors des années subséquentes, les prix vont se raffermir légèrement, mais n’atteindront jamais les niveaux de l’année 2005. Ils vont varier entre 289 $ à 371 $/Mpmp pour le bois de longueur de 12 pieds et entre 165 $ et 195 $ la corde pour le bois de 8 pieds. Le prix actuel est en moyenne de 374 $/Mpmp pour le bois de 12 pieds et de 183 $/corde pour le 8 pieds au chemin du producteur.
Si on tient compte de l’inflation, le propriétaire qui récolte du sciage sapin-épinette a donc vu son revenu diminuer de 34% en 15 ans pour son 12 pieds de bois rond et de 48% pour son 8 pieds. Une situation peu enviable, car les efforts humains et financiers pour produire le bois n’ont pas diminué depuis ce temps. En effet, les coûts du maintien et de l’entretien d’un immeuble forestier sont de plus en plus élevés et la réglementation sur l’exploitation de la ressource, de plus en plus contraignante.
La saine concurrence s’exerce-t-elle ?
Il y a plusieurs hypothèses qui expliquent l’écart majeur entre les prix du bois rond et ceux du bois d’œuvre au Québec. Les principales hypothèses sont les suivantes :
- Le rapport de force inéquitable entre les acheteurs et les propriétaires forestiers individuels;
- La faible mobilisation des propriétaires forestiers pour exiger de meilleures conditions de vente pour leurs bois;
- La disparition de plusieurs acheteurs lors de la crise forestière qui a fait diminuer la concurrence entre ceux qui restent;
- La perte du contact entre le propriétaire forestier et les acheteurs au profit des intermédiaires qui organisent la récolte forestière;
- Le renouvellement des équipements de récolte durant les cinq dernières années chez les entrepreneurs forestiers qui créent une pression financière chez eux et qui les obligent à fournir l’industrie peu importe le prix du bois;
- L’acquisition des terres par des propriétaires plus fortunés qui ne considèrent plus la vente du bois comme une source importante de revenus;
- L’utilisation de prime cachée à certains intervenants forestiers par l’industrie afin de s’assurer de leur fidélité et de leur loyauté, peu importe le prix de base payé aux propriétaires forestiers.
Martin Larrivée ing.f.
Directeur général, Syndicat des producteurs forestiers du sud du Québec
Entrevue radiophonique à Radio-Canada Estrie,
Revue Opérations forestières et de scierie,
https://www.operationsforestieres.ca/chronologie-dune-hausse-de-prix-record-pour-le-bois-doeuvre/
https://www.operationsforestieres.ca/le-prix-du-bois-doeuvre-a-un-nouveau-sommet/
Journal Le droit,